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Un jardin au goût de Jean-Jacques
Rousse
Quelle sensation délicieuse nous avons éprouvée quand nous sommes entrés
dans ce paisible asile ! Dès l'abord, d'obscurs ombrages, une
verdure animée, des fleurs variées, des gazouillements d'eau courante et des
chants d'oiseaux nous ont charmés, et ces lieux
ont fait monter
à
notre imagination autant de fraîcheur qu'ils en ont porté*
à nos sens. Nous nous sommes plu à parcourir les sentiers qu'une agreste
fantaisie a ménagés dans cet éden. Nous n'y avons point rencontré
les plantes exotiques que nous avions pensé**,
mais nous y avons trouvé celles du pays, disposées de telle manière que les
massifs, les berceaux, les touffes de verdure qu'on y avait laissées croître
librement produisaient un effet des plus agréables, malgré le peu de travaux que
leur ordonnance avait coûté. (14)
Dans le gazon, le serpolet, le thym,
la marjolaine se trouvaient mêlés à une foule d'autres fleurs des champs
que le vent y avait semées. Çà et là,
des rosiers, des groseilliers,
sans ordre ni symétrie, étendaient leurs broussailles sur une terre qu'on eût
crue en friche. (6)
Nous nous sommes promenés avec extase dans les allées tortueuses
ombragées de bocages embaumés où
la vigne vierge, la clématite et le chèvrefeuille se trouvaient entrelacés en
mille guirlandes capricieuses. Ces guirlandes semblaient jetées
négligemment d'un arbre à l'autre comme nous en avions remarqué quelques fois
dans les forêts et formaient sur nous d'admirables draperies de feuillage. (3)
Ces allées étaient bordées ou traversées d'une eau limpide, où nous nous sommes
rafraîchi les mains en écoutant la chanson des sources que nous avons
regardées bouillonner sur le gravier et
courir dans l'herbe fine. (3)